Je t’ai appelé lecteur, mais je me suis trompée. C’est le chemin parcouru qui me le chuchote à l’oreille.
J’ai voulu te connaître dans un espace suspendu où ni le temps, ni l’ailleurs importe. J’ai créé ces lieux éphémères où nous nous sommes rencontrés. Sept fois, c’est si peu.
J’aurais pu t’appeler voyageur mais ça aurait été une erreur. Le mat ouvre des voies qu’il est seul à parcourir. A trop vouloir accompagner, j’ai trouvé ce que je ne cherchais pas, mais j’ai appris : les mots que j’ai prêté à la terre m’ont volée ma voix.
On est toujours seul sur la route du pourquoi.
J’aurais du savoir que l’élégie était déjà le bout du chemin, que l’on ne s’invente pas alchimiste, que les secrets du monde sont déjà nôtres pour peu que l’on fasse silence, que parvenir aux quatre chemins n’est possible que dans la légèreté.
Collègue, compagnon, camarade… Je t’ai cherché avec une ferveur impérieuse oubliée. Je t’ai désiré ici et maintenant. Me sont restées la drive et non pas l’ivresse de la goutte, mais l’émotion renouvelée des mers de cannes éperdues. Et les rêves.
Etranger qui me lit, sais-tu le rêve ?
Une image qui vibre de certitude en toi et que seuls les symboles traduisent. Loin des catégories, carcans cartésiens du commerce. Loin des communs catalogues, commandes et collections. Il était là le secret de la Rumance, comme une métonymie.
Une colonne de cuivre pour un aïeul contrebandier, une canne bleue pour une ancêtre amarreuse, un chant pour les faiseurs de tambours, une toile pour les couturières et les karatas, une bouteille pour ceux qui avant moi ont dit, décrit, écrit.
Et moi qui ne possède rien, qui ne connait pas tout des terroirs, distillation et vieillissement, mais qui sait désormais au bout de quatre vérités, que l’heure du troisième état est venue. Il n’est plus question d’aurevoir, c’est une révérence.
Je vous cède les bouteilles et je garde l’histoire de la terre et des hommes.
A vous de recueillir et préserver ou jouir de tous les jus que je crois intemporels. A moi, la douceur du souvenir et la joie d’avoir su connecter les lèvres et les cœurs, les esprits et les verres.
A nos plaisirs !